INJEP : enquête sur les jeunes sans éducation, sans emploi et sans formation (les NEET)
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https://injep.fr/wp-content/uploads/2020/01/IAS31-les-NEET.pdf
Coup sur coup deux institutions viennent de faire paraître des enquêtes sur les jeunes sans éducation, sans
emploi et sans formation (les NEET).
En lisant ces publications on se rend compte que sur le presque
million de NEET 29 % n'ont aucun diplôme (pas même le brevet des
collèges) mais que tous les autres sont "diplômés" : 17 % du
supérieur, 10 % ont un bac général ou technologique, 18 % un bac
professionnel et 26 % un CAP.
La question mérite d'être posée donc : que fait
l'éducation nationale du premier budget de l'État, nos 75 ou 100
milliards d'euros sont-ils bien utilisés ou ne contribuent-ils
qu'à alimenter un système d'éducation périmé et dépassé ?
Les systèmes scolaires et universitaires ont dévié en
France de leurs missions après-68 et après 1981
Si jusqu'à la fin des années 60 (l'expansion et le plein emploi)
les systèmes éducatifs étaient tendus vers l'activité, le travail,
le développement des compétences des futurs travailleurs (qui
étaient d'autant mieux servis par le monde professionnel qu'ils
étaient qualifiés ou diplômés) le système a donc dérivé gravement
par la suite pour au moins 3 bonnes raisons, transformant l'école
et la fac en une quasi garderie pour jeunes (formant ensuite ce
groupe hétéroclite sans grand avenir social des NEET) :
- L'école s'est complu dans le misérabilisme éducatif. Le mauvais élève n'était plus un cossard ou un cancre inadapté à l'éducation (mais qui pouvait se rattraper plus tard dans la vie comme le démontre la réussite sociale de nombreux autodidactes) mais un "élève en difficulté", une victime du système et de la culture bourgeoise (merci Bourdieu) et donc un futur assisté (on lui devait réparation)
- L'école a inversé ses valeurs : embrayant sur un mai 68 iconoclaste et démagogique (les examen pour tous puis les 80 % de bacheliers), au lieu de mettre en exergue le bon élève (l'exemple pour des jeunes en mal de modèles) on a assimilé le bon élève à un "fayot", un "collaborateur" proche des profs, proche des adultes qu'il convenait de calmer (ses ardeurs au travail) de railler ("fayot") ou même de persécuter (le bouc émissaire dans une classe est souvent un bon élève ou un élève sérieux)
- L'école a été transformée en garderie sociale : avec le traitement social du chômage il s'est agit de transformer l'école en un nouvel asile social (sur le fronton de certaines écoles à Paris on lit encore "salle d'asile communale"). Le travail étant supposé rare (ou supposé tel car les socialistes parviennent en peu d'année à le réduire en augmentant fortement le chômage), la crise étant temporaire (ça fait 45 ans désormais que ça dure) il fallait inventer un "traitement social du chômage". Le traitement social(iste) du chômage instrumentalise tout le système éducatif en partant du principe qu'un jeune traînant ses fonds de culotte sur les bancs d'un lycée pro (l'appellation professionnelle étant largement usurpée tant ces lycées sont éloignés des entreprises) ou d'une fac coûte moins cher qu'un chômeur indemnisé (ou un jeune en insertion donc avec un minimum de revenus).
Le diplôme est désormais un pâle produit d'appel à
l'éducation nationale, il n'impressionne plus guère car il
pourrait être devenu obsolète (en entreprise)
Excepté dans les métiers règlementés (médecin architecte ou
coiffeur) le diplôme intéresse (et intéressera) de moins en moins
les employeurs pour au moins 4 bonnes raisons :
- L'école publique s'est largement coupée de l'entreprise : les profs vivent en vase clos, ils ne connaissent aucune entreprise ni entrepreneur et nombre d'entre eux diabolise le monde du travail (sauf la fonction publique). Les profs forment donc des travailleurs pour les années 60 (Normes françaises) censés devenir ouvriers (les moins bons élèves) ou ingénieurs/médecins (les meilleurs) ou plus haut encore dans la hiérarchie scolaire (fonctionnaires)
- Les entreprises en réaction se sont elles-aussi détournées de l'école. Elles ne prennent que rarement des jeunes (en stage) et misent plutôt sur l'apprentissage (privé) pour recruter (aujourd'hui on apprend un métier d'abord en faisant, pas en singeant le fonctionnement d'une entreprise)
- Le monde du travail évolue de plus en plus rapidement du fait de la numérisation du travail, de la globalisation (votre voiture ou votre PC sont des assemblages de pièces produites partout dans le monde), de la mondialisation (je te vends mes pommes et je t'achète des ananas en échange) et de la désintermédiation (je vends, j'achète, je me déplace, je m'informe, je loue directement sans intermédiaire. Du fait de ces changements incessants et de plus en plus rapide le diplôme, le référentiel, le programme sont dépassés avant même d'avoir été imprimés au bulletin de l'éducation nationale
- Le diplôme ne prouve plus grand chose. Comme l'a très justement dit Alain Finkielkraut il y a désormais en France un "droit de l'homme du diplôme". Le diplôme n'est plus la marque de la distinction (j'ai réussi parce que je suis bon ou parce que j'ai beaucoup travaillé) mais de la participation (je suis inscrit en fac, au lycée, à l'ancienneté, de guerre lasse, on finira par me donner mon parchemin). Les entreprises voient donc arriver sur le marché du travail des jeunes sans (aucune) éducation (l'éducation nationale se fiche éperdument du savoir-être et du savoir-vivre) sans capacité d'écrire, de lire, de rédiger ou parfois même de réfléchir (il faut prendre des initiatives dans nombre de métiers désormais) et du coup ces entreprises recrutent soit des étrangers (polyglottes, mieux formés et plus adaptables) soit des travailleurs sur leurs vraie compétences pas sur CV
- Le diplôme est devenu un certificat de conformité mais aussi de conformisme. Si dans la société industrielle il était important d'être conforme (la qualification prouvant qu'on savait faire un geste ou qu'on maîtrisait un ensemble de techniques) aujourd'hui l'extrême conformisme des diplômés n'est plus recherché (Steve Jobs ou Bill Gates ont arrêté leurs études bien avant de créer leurs entreprises). Le meilleur salarié (ou travailleur) aujourd'hui est celui qui est capable de sortir du cadre (intelligemment), de prendre des initiatives, de travailler avec les autres en les entendant (ou en valorisant son équipe. Ces qualités ne sont en rien (même si JM Blanquer tente de changer actuellement la donne) celles qui sont promues et enseignées aujourd'hui dans les écoles de la République
L'école doit se recentrer sur les bases (comme du temps
de Jules Ferry avec l'instruction publique) et arrêter
de prétendre éduquer (c'est le rôle des familles)
L'avenir appartient aux gens courageux, entreprenants, capables
de prendre des risques (créer son activité, chercher à s'en sortir
sans les secours publiques) toutes ces qualités sont avant tout
développées (ou non) au sein des familles, dans l'environnement
socio-professionnel.
L'école pour être utile doit cesser de produire 100 ou 200 000
NEET chaque année mais surtout donner à chacun les bases minimales
(jusqu'à 14 ou 16 ans) pour apprendre tout au long de la vie,
rebondir, développer son intelligence sociale et émotionnelle et
cesser de faire croire que le diplôme est encore un passeport pour
l'emploi.
Le diplôme ne protège plus du chômage et si les
"diplômés" sont moins au chômage que les non-diplômés c'est
simplement dû à leurs caractéristiques sociales (plus intégrés
et conformes au système).
Lu sur https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-neet-et-les-diplomes-quel-221407