Est-il raisonnable d’interdire la fessée dans un pays qui prône l’égocentrisme ? (article de presse)

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Nota bene avant lecture : mes élèves disent que je suis la plus gentille des maîtresses... ça évitera aux bien pensants de m’incendier dans les commentaires... c’est juste que mon métier est de plus en plus difficile à exercer même si on a à cœur d’élever les enfants dans le bon sens du terme, pour en faire des honnêtes hommes et femmes au sens du 18ème et les faire grandir dans un milieu de confiance en eux et en nous. Juste milieu difficile à trouver avec les enfants, avec les parents qui ont eu l’éducation d’hier et ne savent pas parfois trouver le compromis entre une éducation autoritaire ou permissive, mais aussi avec les collègues, qui répètent les méthodes autoritaristes des écoles d’autrefois avec des enfants éveillés pour ne pas avoir de,soucis avec les 2-3 enfants rois qui sont parachutés dans nos classes et qui mettent à mal des mtéhodes plus démocratiques d’enseignement.

Ce matin, je me suis réveillée avec cette idée qu’il n’était peut être pas raisonnable d’interdire la fessée dans notre pays. Peut-être que c’est cette histoire de directeur de centre qui se trouve accusé de violence aggravée sur un enfant de 4 ans pour lui avoir mis 2 tours de scotch autour des poignets d’un enfant pendant 2 minutes, qui me travaille à un jour de ma prérentrée ? Est-ce sensé d’interdire la fessée ? Ou deux tours de scotch ? Ou alors il faudrait que tous les enfants soient élevés par des parents qui ne les laisseraient pas exercer libre cours à l’égocentrisme normal de tout enfant à la naissance.

Un enfant naît, ce n’est encore qu’un petit être centré sur son tube digestif et son bien-être donc il pleure quand il a froid ou chaud, il pleure quand il a faim, il pleure quand il a mal, etc... Sa maman (ou son papa) arrive pour le secourir lorsqu’il envoie un signal sonore de détresse et tout cela est normal pour un bébé... Dans les années 50, on parlait alors de caprices, il fallait déjà réduire le bébé et le laisser pleurer avant d’intervenir pour lui apprendre déjà que la vie est dure... dura vitae sed vitae... nous avons évolué depuis... il y a eu Winicott et la mère suffisamment bonne pour donner l’idée bouddhiste du juste milieu... Il y a eu Dolto qui nous a culpabilisé sur l’éducation trop autoritaire de l’après guerre, il y’a eu mai 68 ou le slogan « il est interdit d’interdire » qui a peut être plus montré d’écueils que de réels progrès....

Le juste milieu, ce serait « on n’intervient pas immédiatement pour la toute puissance de l’enfant mais on laisse un petit moment pleurer et on intervient... » moi, je pense que c’est surtout une question d’âge... Tant que le bébé ne peut s’exprimer autrement que par les pleurs et qu’il est contraint d’appeler au secours parce qu’il ne peut ni bouger ni parler, on intervient et on lui porte secours... ça peut aller jusqu’à ses 1 ans voire 14 mois puis on régule son égocentrisme primaire quand il peut enfin agir ou parler... non, tu ne fais pas ce que tu veux, non je ne viens pas tout de suite te donner ce qui te manque... j’ai ma vie aussi et tu mangeras quand je pourrai te faire à manger, tu auras ton jouet que tu laisses tomber avec délectation de ta chaise haute pour voir l’effet de la gravité si tu arrêtes de l’envoyer par terre au bout de tant de fois car je ne suis pas ton esclave... oui, mon petit Newton en herbe, tu dois apprendre aussi que l’autre existe et ta maman te le fait savoir en n’étant pas ton esclave soumise... c’est ce qui s’appelle le contrôle du ça... l’enfant qui est dans dans toute puissance de son passé de bébé où il avait tôt ce qu’il voulait quand il le voulait apprend un début de règles de la vie en scociété : « ma liberté s’arrête quand commence celle de l’autre » et « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu on te fasse » et je dois me conformer cette règle d’or bouddhiste qui me dit que l’autre existe.

Malheureusement pour nous aujourd’hui (je suis enseignante !), beaucoup de parents croient cette règle innée et oublient de la faire vivre à leurs enfants à cette âge charnière de la première indépendance (l’enfant peut se deplacer et se faire comprendre... donc j’ai dit 12-14 mois mais ça commence avant quand il est en trotteur et qu’il montre déjà ce qu’il veut avec son petit doigt). Donc, je pense que beaucoup trop de parents négligent ce moment fatidique et accourent dès que l’enfant manifeste son besoin immediat comme lorsqu’il était bébé ou se mettent à hurler pour défendre leur propre intérêt à eux, parents, au lieu de réguler ces premiers conflits d’égo à égo. L’égo du petit humain crie sa volonté et l’égo du parent obéit servilement ou manifeste son désaccord en voulant alors réduire la toute puissance logique de l’enfant à cet âge charnière, logique parce que cet ex bébé n’avait pas jusqu’à ce moment là rencontré d’obstacles à ses désirs.

D’où l’importance d’agir à ce moment charnière et de verbaliser qu’on existe aussi et qu’il va falloir attendre un peu parfois pour obtenir ce qu’il souhaite tout de suite. L’enfant apprend alors à différer son désir et par là, à se décentrer en comprenant que nous aussi, parents, on existe et tout cela peut se faire sans crier et sans la fessée. C’est très facile à ce moment là, l’enfant est en pleine phase d’apprentissage et les règles s’intègrent entre ses 4 mois et ses 14 mois sans vrais heurts... je dis ça mais à y réfléchir, je me souviens qu’on avait surnommé mon fils « ta deule » à ses 14 mois car il avait dû entendre dire cela et comprendre que ça voulait dire « tais toi », l’ayant compris, il me l’a dit une fois devant sa grand-mère qui avait éclaté de rire, et après s’en était emparé pour faire rire et me faire enrager, car il avait compris que cette expression n’était pas neutre pour nous, adultes, et que ma belle-mère y voyait une preuve que je ne savais pas éduquer mon fils (toujours l’ego qui malmène)...

Au départ, j’enrageais, je ne le frappais pas parce que ça ne fait pas partie de mon éducation, mais j’enrageais. Et je me sentais mauvaise mère... qu’avais-je pu rater pour qu’il me parle ainsi à 14 mois... en fait, j ‘adoptais trop le point de vue des adultes, pas de l’enfant... il n’était pas insolent, c’était juste qu’il avait compris que sa phrase avait un impact... passé la phase de colère, je me suis mise à l’ignorer quand il le répétait en boucle, avec son air goguenard, puis voyant que sa petite phrase n’avait aucune prise sur moi, il a arrêté de la dire et tout est rentré dans l’ordre sans plus de heurts. A ses 18 mois, il m’a dit « non », non pour le bain, non pour le brossage des dents, nous pour manger mais forte de ma première expérience réussie, j’ai ignoré et je l’ai emmené au bain, je l’ai emmené au parc si j’avais décidé d’y aller... sans cris mais sans céder comme si je ne l’entendais pas, c’est facile à cet âge là, on peut les porter, ils ne font pas le poids... résultat : il a été propre à ses 18 mois.

Comme si le fait de ne pas céder à sa toute puissance l’a amené à la pleine maitrise de ses sphincters. Peut-être mon fils était-il exceptionnel mais je ne le pense pas. Je pense que trop de parents cédent au premier non, obéissent à la première volonté et se mettent à crier quand les limites ont été franchies depuis trop de temps. Donc l’enfant au lieu de sortir de toute puissance avec grâce comme une chenille devient papillon, l’enfant reste une chenille reine et devient enfant roi, puis on le dit capricieux quand il pique des crises quand il n’a pas ce qu’il veut à 4 ans, et enfin tyran quand il ne peut faire ce qu’il veut adolescent’ comme il n’a pas appris à temps la frustration, il ne la supporte pas... plus on attend de contrecarrer en douceur sa toute puissance naturelle, plus on se heurte à des problémes d’égocentrisme tardif. L’enfant, c’est normal qu’il soit égocentrique mais c’est à nous, adultes de l’obliger à se décentrer pour vivre avec nous.

Quand le processus n’est pas enclenché dans la prime enfance, ces petits « monstres » nous arrivent à l’école maternelle sûrs de leur bon droit et de leur toute puissance. Ils sont malheureux, ces enfants, car ils stagnent en tant que chenilles alors qu’ils auraient pu devenir papillon... et que nous restent ils nous, éducateurs, pour leur apprendre l’altérité ? Ils tapent, ils griffent, ils mordent leurs camarades si on leur prend ce qu’ils veulent , ils hurlent dès qu’on contrecarre leur désir ou jettent les jouets ou décident de ne pas se plier aux règles du groupe... Alors un directeur de centre se trouve accusé de violence aggravée parce qu il a mis 2 tours de scotch marron autour des poignets d’un des ces petits cherubins qui aurait été mis dans son bureau parce qu’il aurait crié « au loup » pendant la sieste ? (pas qu’une fois, je pense, ça les journalistes jouent toujours les vierges effarouchées pour rapporter de telles histoires, comme s’ils n’avaient vu jamais d’enfants tyrans.) Un enseignant se trouve écroué parce qu’il a secoue un peu violemment un de ces enfants, un de ces enfants mignons qui devaient certainement mettre du bazar ou en taper un autre ?

Bien sûr, autrefois, ces histoires se seraient réglés avec un coup de ceinturon, une fessée ou une éviction dans un placard et on ne criait pas « Au loup » mais aujourd’hui, on blàme les adultes qui veulent réguler la toute puissance de l’enfant roi pour le bien de tous... et c’est dans ce contexte que j’apprehende la rentrée, sachant que les chenilles sont de plus en plus nombreuses dans nos classes et que nous devons devenir leurs larves plutôt que d’évoluer tous ensemble libres comme des papillons...

Lire aussi https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/banlieues-messieurs-les-humanistes-219081


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